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Construction et application des indices de Qualité des Environnements Intérieurs

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Entretien avec Wenjuan Wei, PhD., ingénieure recherche et expertise à la direction Santé-Confort, et Olivier Ramalho, PhD., ingénieur études et recherche à la direction Santé-Confort, CSTB.

Qu’appelle-t-on indices QEI et à quoi servent-ils ?

Olivier Ramalho : Un indice de Qualité des Environnements Intérieurs (QEI) est une formulation objective et synthétique d’un ensemble de paramètres physiques de notre environnement (confort thermique, qualité de l’air, éclairage et acoustique notamment). Ces paramètres peuvent être très variés et complexes à interpréter dans leur ensemble. L’expression de l’agrégation de ces données multiples en une réponse simple peut se décliner en un score, un code couleur ou une alerte sonore.

Au-delà de la connaissance qu’il peut apporter sur l’état de la QEI à un instant donné, un indice QEI est construit pour répondre à un besoin qui peut varier selon les utilisateurs (pouvoirs publics, superviseur d’un parc de bâtiments, gestionnaire d'un bâtiment, propriétaires, locataires, simples visiteurs, etc.). Il est systématiquement associé à des recommandations d’actions à entreprendre pour revenir à un niveau de QEI plus satisfaisant. C’est un outil d’aide à la décision.

Chaque besoin a son propre indice, sachant que les besoins peuvent être variés : « Le bâtiment que j’occupe est-il propice au travail en ce moment ? », « Je souhaite piloter mon système de ventilation en tenant compte de la QEI », « Je souhaite construire un nouveau bâtiment en cherchant à avoir une QEI exemplaire », etc. Chaque besoin va orienter les différents indicateurs à considérer dans la construction de l’indice qui cherche à y répondre. L’une des principales difficultés est d’ailleurs de pouvoir identifier et exprimer précisément le besoin de chaque utilisateur autour de la QEI. La construction d’un indice se fait généralement en trois étapes, une fois le besoin et l’utilisateur identifiés :

  • définir les champs de la QEI à prendre en compte et, au sein de chacun d’entre eux, déterminer les indicateurs les plus pertinents à suivre et les différentes valeurs seuils de référence associées ;
  • formuler les règles d’agrégation des différents indicateurs au sein du même champ QEI et les règles d’association entre les différents champs de la QEI ;
  • proposer un mode de restitution / visualisation du résultat de l’indice avec les différentes recommandations associées.

Comment est-on passé de la QAI à la QEI ?

Le besoin d’information sur la qualité de l’air intérieur (QAI) relève d’une préoccupation sur la qualité sanitaire de l’ambiance dans laquelle évoluent les usagers, principalement au regard de ce qu'ils respirent. La QEI élargit cette démarche à d’autres dimensions du confort (thermique, acoustique, éclairage, olfactif) pour qualifier le bien-être dans le bâtiment.

Les campagnes nationales menées par l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI) dans différents parcs de bâtiment se sont focalisées en priorité sur la QAI, avec l’intégration parfois de quelques indicateurs acoustiques ou d’éclairage très simplifiés. Au 1er janvier 2024, l’OQAI devient l’OQEI en mettant davantage l’accent sur la mesure d’indicateurs pertinents de QEI dans les campagnes nationales, lesquels alimenteront la réflexion sur la construction d’indices QEI à destination des pouvoirs publics principalement.

Cette réflexion se fait également en synergie avec le projet CAP 2030 qui vise à identifier les domaines qui pourraient être intégrés dans la règlementation qui succédera à la RE2020. La QEI fait partie de ces sujets. Il appartiendra au gouvernement de définir ses orientations et priorités et donc les domaines qu’il souhaite retenir.

Pouvez-vous présenter l’indice TAIL qui permet d’évaluer la QEI dans les bâtiments tertiaires (bureaux, hôtels, écoles) ?

Wenjuan Wei : Fondé sur 12 paramètres de QEI mesurables/calculables, l’indice TAIL a été initialement développé dans le cadre d'un projet européen (ALDREN - Alliance for Deep RENovation in buildings) pour évaluer la qualité globale de l’environnement intérieur dans les bureaux et les hôtels. Cet indice repose sur la qualification de quatre piliers : l'environnement thermique, l'environnement acoustique, la qualité de l'air intérieur et l'environnement lumineux. Ces travaux ont été suivis d’une recherche dont l'objectif est de développer un indice pour évaluer la QEI dans les écoles, basé sur la méthodologie TAIL.

Cet indice quantitatif, composé de quatre niveaux de qualité (I, II, III et IV), permet d'identifier des pistes d'amélioration pour garantir la santé, le bien-être et les conditions d’apprentissage des enfants dans les écoles. Il est en effet désormais prouvé que ces dernières, qui résultent directement de la capacité de concentration ou, à l’inverse, de la fatigue, sont étroitement liées aux conditions d’ambiance des locaux que constituent la température, l’humidité, le taux de CO2, ou l’environnement acoustique et lumineux.

Appliqué à la base de données QEI des écoles françaises (2013-2017) acquise par l’OQAI, l'indice TAIL révèle que plus de 97% des écoles présentent de bons niveaux de qualité (I et II) pour l’exposition au benzène, au formaldéhyde et aux moisissures. Cependant, plus de 75% des écoles montrent des niveaux de qualité moyens ou mauvais (III et IV) concernant la température, le dioxyde de carbone, les particules PM2,5, et la lumière artificielle. Les niveaux d’humidité relative, de dioxyde d’azote et de bruit de fond nécessitent également des interventions pour l’amélioration dans certains établissements.

Exemple d'agrégation via l'indice TAIL :